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Calculs sur réseau

QCD et théories des champs sur réseau

Le développement de méthodes de calcul pour l'étude de la théorie des champs sur réseau était à l'origine motivée par le désir de comprendre la chromodynamique quantique (QCD) dans son régime non-perturbatif. Depuis lors, la QCD sur réseau est devenue un outil de précision avec des applications à un large éventail d'observables, aidant dans l’interprétation de nombreuses expériences en physique des particules et nucléaire, ainsi que dans notre compréhension de l’univers primordial et d’objets stellaire très denses, comme les étoiles à neutrons.

Dans ce qui suit sont d’abord présentés les principaux défis auxquels la QCD sur réseau est confrontée dans l’étude de question fondamentales en physique des particules, en cosmologie et en astrophysique:

*) La recherche indirecte de nouvelle physique fondamentale à l’aide de la physique des saveurs de quarks ou de mesures de précision, telles celles du moment magnétique anomal du muon ou d’observables électrofaibles, auprès d’accélérateurs actuels et futurs. Dans les prochaines années, un des défis est de faire des prédictions, avec une précision meilleure que le pourcent, pour des processus avec au plus un hadron dans l’état initial et final, afin rester compétitif avec l’expérience. Cela nécessite de continuer à développer des approches nouvelles pour prendre en compte les corrections de QED et dues à la différence des masses des quarks u et d, mais également pour faire des simulations avec des mailles plus fines dans des volumes plus grands, ce qui est loin d’être évident avec les algorithmes actuels. Un autre défi est de poursuivre le développement de méthodes pour étudier des processus importants avec plusieurs hadrons dans l’état final, ou même avec tous les états hadroniques finaux possibles (désintégrations inclusives).

*) La détermination de paramètres fondamentaux telles la constante de couplage forte ou la masse des quarks. Cela permet des tests de précision de la nature standard ou non du Higgs. Ici, les précisions atteintes actuellement sont suffisantes pour le programme du LHC de la prochaine décennie.

*) La structure longitudinale en quarks et gluons (les partons) en diffusion profondément inélastique sur des hadrons tels le proton ou le neutron (fonction de distribution de partons ou PDFs). Celle-ci sont nécessaires pour interpréter les mesures faites auprès du LHC et d’expériences sur les neutrinos énergétiques, un des objectifs de la future expérience LBNF/DUNE ou HyperK. De nouvelles méthodes ont été développées pendant la décennie passée. Le défi, dans la décennie à venir, est de développer les méthodes et de procéder aux simulations qui permettront contrôler les incertitudes dans ces calculs, une nécessité pour l’interprétation des résultats des expériences. Un autre défi est de faire de même pour le calcul de fonctions de distribution partoniques le long d’autres directions, une application qui a débutée récemment. Avec l’appui d’expériences telles que celles du Jlab actuel et du futur collisionneur électron ion (EIC), ces calculs permettront une tomographie tri-dimensionnelle de la structure en quarks du proton.

*) La recherche de violations de symétries fondamentales ou la recherche de physique au delà du SM se fait communément avec des nucléons ou des noyaux atomiques dans des expériences de relativement basse énergie. Cela va de la recherche directe de la matière sombre de l’univers à la désintégration double beta sans neutrinos, signe que les neutrinos ont une composante de Majorana. Ici, la QCD sur réseau est nécessaire pour faire le lien entre les théories de nouvelle physique fondamentale et les mesures expérimentales, via le calcul de diverses propriétés des nucléons et des modifications que celle-ci subissent quand le nucléon se trouve au sein d’un noyau atomique. Ici, un des grands défis des années à venir est de développer de nouvelles méthodes et algorithmes pour réduire de façon significative le bruit statistique de ces simulations, notamment pour les noyaux atomiques, afin de pouvoir interpréter les résultats de ces nombreuses expériences, mais aussi de construire une physique nucléaire ab initio, avec toutes les applications auxquelles cela pourrait mener.

*) La QCD sur réseau est également un outil important pour explorer la dynamique des quarks et gluon à température et à densité finie, telle qu’elle intervient dans l’univers primordial, dans les collisions d’ions lourds ou dans le cœur très dense des étoiles à neutron. Ici, alors que des densités faibles peuvent être étudiées avec les méthodes actuelles, les densités élevées, telles que celles dans le cœur des étoiles à neutron, restent inaccessibles à cause d’un « sign problem ». De nouvelles idées sont donc nécessaires. L’une d’entre elle pourrait être d’avoir recours aux ordinateurs quantiques quand ceux-ci, et notre compréhension de comment les utiliser pour simuler les théories quantiques des champs, auront atteint une maturité qui leur permettra de traiter la QCD en 3+1 dimensions (voir ci-dessous).

*) Bien que le secteur électrofaible du SM soit chiral, nous ne savons toujours par régulariser ces théorie d’une façon qui permettrait de les étudier non perturbativement. Ici de nouvelle idées théoriques sont nécessaires.

Au delà de la QCD, la théorie des champs sur réseau est confrontée à d’autres défis, dans les applications suivantes:

*) Théories des champs conformes (CFT): la QFT sur réseau peut, en principe, être utilisée pour étudier des théories de jauge avec un contenu en matière qui les rendraient conformes ou presque conformes à basse énergie. De telles théories pourraient apporter une explication plus fondamentale au mécanisme de Higgs et dans lesquelles le Higgs serait une un pseudo-dilaton ou un pseudo boson de Goldstone composite. L’étude de ces théories permet également des comparaisons avec l’approche du « conformal bootstrap ».

*) Matière sombre composite: ici le secteur sombre est décrit par une théorie de jauge qui ressemble à la QCD. Les méthodes de QCD sur réseau peuvent donc être utilisées pour étudier les masses des particules composites de cette théorie, sa thermodynamique et les interactions entre ces particules composites, apportant les informations nécessaires pour décider si la théorie étudiée reproduit les observations.

*) Supersymétrie et AdS/CFT: bien qu’il soit difficile d’implémenter des supersymétries de degré élevé sur un espace-temps discret, de nouvelles idées ont été proposées récemment. Celles-ci restent en grande partie à explorer et pourrait apporter des informations importantes sur la relation entre CFT et gravitation classique sur un espace-temps AdS à 5 dimensions.

Pour les deux premiers sujets, un des défis est le nombre de différentes théories possibles. En effet, avec les techniques d’aujourd’hui, la simulation d’une de ces théorie peut prendre des dizaines de millions d’heures CPU sur les supercalculateurs actuels. Pour pouvoir étudier plus largement l’espace de ces théories et trouver celles avec les propriétés les plus pertinentes, il faudrait accélérer de façon très importante la simulation de ces théories. Ici, des innovations dans la théorie de l’apprentissage automatique pourraient lever ce verrou (voir ci-dessous).

Liens avec l’apprentissage automatique

Un des grands défis de la théorie quantique des champs sur réseaux sont les ressources de calcul très importantes qu’elles demandent, notamment lorsque la taille de maille est réduite pour prendre la limite du continu nécessaire. Ici, le développement de nouvelles méthodes d’apprentissage automatique génératives, qui respectent les symétries de la théorie, pourrait apporter l’accélération des algorithmes nécessaires pour réduire les erreurs avec la prise de la limite du continu, ainsi que de permettre l’exploration de l’espace des théories des champs d’intérêt pour la physique au delà du SM. Les méthodes d’apprentissage automatique commencent également à être utilisées pour le calcul des fonctions de corrélation nécessaires pour la description d’un processus donné, mais aussi pour l’extraction des observables physiques à partir de ces fonctions de corrélation.

Théories des champs sur réseau et informatique quantique

L'approche standard de la théorie des champs sur réseau part de l'intégrale de chemin euclidienne (en temps imaginaire) pour étudier les effets non perturbatifs des théories fortement couplées à l’aide de simulations Monte Carlo. Cela ne permet pas d’étudier la dynamique de diffusion en temps réel, les systèmes à densité finie (plasma quark-gluon à densité élevée, étoiles à neutrons), ou les QFTs avec un couplage topologique, entre autre. L’étude non perturbative de tels systèmes représente d’énormes défis pour notre compréhension de QFTs fortement couplées. Ici, l’informatique quantique et la simulation quantique pourraient permettre de surmonter ces limitations dans une approche Hamiltonienne, à l’aide de « réseaux de tenseurs ». Mais ces approches ne sont qu’à l’état de balbutiements. Pour l’instant, seules des théories simples comme U(1) ou SU(2) en 1+1 dimensions ont été étudiées. Pour contempler l’étude de théories de jauge en 3+1 dimensions, un travail théorique très important reste à faire.

physique_des_particules_lattice.txt · Last modified: 2023/02/14 18:01 by laurent.lellouch

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