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Contributions Sollicitées

Yann Mambrini, Physique des Particules, Matière noire

24 Jan 2023, at 00:39,

De la récente découverte des ondes gravitationnelles, à la confirmation de l’existence de matière noire et d’énergie noire, et le mystère toujours persistant de la masse des neutrino, la physique des hautes énergies n’a jamais autant eu besoin d’une extension à la fois sur le plan gravitationnelle et quantique. Il se trouve qu’en même temps, des efforts expérimentaux considérables sont fait afin d’explorer ces domaines, tels le Einstein télescope, Euclid, LiteBird, le run3 du LHC avant sa phase haute luminosité et DUNE. Ils nous délivreront leurs résultats sur une période de 10 ans. Alors que le continent américain se concentre sur une recherche au de la du modèle standard dans le domaine des neutrino, l’Europe et l’Asie mise sur les grands instruments. Il est donc fondamentale que la physique théorique, au sein de l’INP, soit en mesure d’analyser les futures données dans le cadre d’une théorie quantique de la gravitation, ou d’une extension cohérente du modèle standard, seule capable de justifier de l’accélération de l’Univers, du phénomène d’inflation et reheating, tout en proposant une explication microscopique au phénomène des ondes gravitationnelles. Que ce soit la mesure précise d’une largeur invisible du Higgs, la polarisation du CMB, l’oscillation des neutrino, ou une carte en onde gravitationnelle du ciel, chacune de ces mesures apportera un oeil nouveau sur le chemin à prendre vers cette nouvelle physique. L’INP doit renouveler son ambition, à la hauteur de ces défis futurs.

Jean Noel FUCHS, liens HEP ↔ matière condensée

29/01 Je mentionne néanmoins rapidement quelques idées de liens entre “lois fondamentales” et “matière condensée”:

- utilisation des idées de type holographie, correspondance bord-volume, type AdS/CFT, pour résoudre des problèmes de matière condensée. Notamment des systèmes de fermions en interaction forte, où il n'y a plus de quasi-particules bien définies, comme dans le modèle Sachdev-Ye-Kitaev. Il y a des liens forts et surprenant avec la physique des trous noirs. Il y avait un cours d'Antoine Georges et Subir Sachdev au collège de France l'année dernière sur ce thème. https://www.college-de-france.fr/media/antoine-georges/UPL6603045728237734109_Lectures_1_3_SYK_AGeorges_2022.pdf

- il y aussi des liens entre les phases à ordre topologique (i.e. avec des anyons), les théories de champ topologiques (TQFT) et la gravité quantique à 2+1. C'est ancien comme connexion (ça date de Witten et Wen vers 1990) mais il y a des progrès actuels sur la réalisation expérimentale d'anyons et leur utilkisation pour le calcul quantique topologique (que ce soit dans l'effet Hall quantique fractionnaire ou dans les systèmes artificiels avec des qubits supraconducteurs comme dans l'équipe de google AI dirigée par P. Roushan). Parmi les outils mathématiques en commun, il y a la théorie des catégories qui est utilisée à la fois par les gens de la gravité quantique à boucle et par ceux de l'ordre topologique en matière condensée. Il y a aussi la théorie conforme des champs (CFT). Et puis, il y a toutes les idées autour de l'intrication quantique pour étudier les systèmes à N corps et qui ont donné lieu à des progrès dans les techniques numériques (les réseaux de tenseur, tensor networks, matrix product states, etc).

- il y a aussi tous les solides dont la structure de bande implique une description effective en termes de fermions de Dirac (massifs ou non) comme le graphène à 2+1 mais aussi les semi-métaux de Weyl à 3+1 et beaucoup d'autres systèmes. Les isolants topologiques ont donné lieu à une réalisation expérimentale d'idées qui existaient en physique des hautes énergies: celle des fermions de Wilson (qui n'existent que comme bord d'un système en une dimension supplémentaire). Aussi les fermions de Majorana qui sont activement discutés dans le contexte de la supraconductivité topologique. Toutes ces idées ont des racines dans la physique des hautes énergies.

Amicalement, Jean-Noël

Boris Pioline, (cordes, phys. math), représentant IRN:QFS

3 février 2023

Contribution au rapport Prospective de l'INP, thème “Lois fondamentales de l'Univers”

Initialement conçue pour modéliser les interactions hadroniques, la théorie des cordes est aujourd'hui le candidat le plus prometteur pour unifier toutes les interactions fondamentales, y inclus la gravité, au sein d'une théorie quantique cohérente. A ce titre, elle joue un role majeur en Phénoménologie des Particules et en Cosmologie, en suggérant de nouvelles classes de modèles pour la Physique au delà du Modèle Standard (dimensions supplémentaires, supersymétrie, univers branaires, axions, inflatons…) dont les signatures sont potentiellement testables dans les collisionneurs de particules, telescopes spatiaux, etc. Si une construction rigoureuse du Modèle Standard en théorie des cordes est encore hors de portée, une direction de recherche très active est de déterminer les contraintes sur les théories effectives en dimension 4 posées par l’existence d'une théorie quantique complète à très haute énergie incluant la gravitation.

Au delà de ces motivations phénoménologiques, la théorie des cordes fournit aussi un cadre cohérent pour élucider des problèmes conceptuels liés à la gravité, tels que l'origine microscopique de l'entropie de Bekenstein-Hawking associée aux trous noirs, et la violation potentielle d'unitarité causée par leur évaporation. La correspondence holographique joue un role central, en reliant la gravitation quantique dans un espace asymptotiquement anti de Sitter (i.e. de courbure constante négative) à une théorie des champs conforme définie sur le bord de cet espace, qui est manifestement unitaire bien qu'en général fortement couplée. Si les détails de cette correspondence soient encore mal compris, il est maintenant établi que l'émergence d'une description locale en dimension supérieure est reliée aux propriétés d'intrication quantique dans la théorie conforme sur le bord. Les interactions avec le domaine de l'information quantique sont nombreuses.

A l'inverse, la correspondence holographique permet d'analyser la dynamique des théories des champs à couplage fort, en termes d'une description gravitationnelle semi-classique. Elle permet en particulier de modéliser les phénomènes de thermalisation et propriétés hydrodynamiques et du plasma de quarks et gluons en QCD, ou des transitions de phase quantiques dans des systèmes de fermions fortement couplés en matière condensée, même s'il est difficile de réaliser ces systèmes de manière rigoureuse en théorie des cordes. Cette approche semble prometteuse pour comprendre les propriétés de certains supraconducteurs à haute température. Plus généralement la classification des théories conformes par les techniques de bootstrap a de multiples applications à la fois pour la physique statistique et la gravitation quantique.

Indépendamment de ces applications aux théories des champs fortement couplées, les relations entre amplitudes de diffusion dans les théories de jauge et théories de gravité suggérées par la dualité entre cordes ouvertes et cordes fermées, ainsi que les contraintes d'unitarité, ont permis de développer des méthodes de calculs très efficaces pour les amplitudes de diffusion à multiplicité et ordre élevés, utiles à la fois pour l'analyse des données aux collisionneurs de particules et le calcul des front d’ondes gravitationnelles émises par les collisions de trous noirs.

Enfin, la recherche en théorie des cordes (et sujets reliés) entretient un dialogue très fructueux avec de multiples domaines des mathématiques, allant de la topologie (via la théorie des champs topologique, ou la classification des phases quantiques par les groupes de cobordisme), la géométrie algébrique et symplectique (via l'étude des variétés compactes de type Calabi-Yau, ou leur généralisations en présence de flux, branes et orientifolds) à la théorie des représentations (algèbres d'opérateurs de vertex, algèbres de Von Neumann, espaces de module de carquois, …) et à la théorie des nombres (comptage des micro-états de trous noirs supersymétriques, etc).

Ainsi, la théorie des cordes (entendue au sens large) a de multiples applications qui vont bien au delà d’une description unifiée des interactions élémentaires, laquelle reste hypothétique et hors de portée des accélérateurs de particules, et elle continue d’irriguer de larges pans de la physique théorique et mathématique actuelle.

Luc Blanchet (Ondes gravitationnelle), (06/02/2023). Texte validé par T. Damour (après changements minimes)

Determination of wave forms from binary systems in GR:

  1. Developments to higher PN for compact binaries, with spins and tidal effects, all needed for future detectors especially LISA. Computation of both conservative equations of motion plus effects of gravitational radiation reaction. Computation of waveforms (modes, especially the dominant quadrupole mode 22) and flux balance equations for secular evolution of the binary.
  2. Inclusion of eccentricity to higher PN, unbound hyperbolic orbits etc. Relation between unbound and bound (elliptical) orbits including tail effects.
  3. Effective Field theory techniques, amplitudes. These, together with classical PN approach, will probably develop together.
  4. Effective one body: crucial to match inspiral to merger and ringdown waveforms and for practical implementation of data analysis.
  5. Numerical relativity. Tremendous progress over the last decades. A field which could be more developed in France. Connection with the community working of neutron star equations of state.
  6. Quasinormal modes to higher (second) order: recent developments to help the matching?
  7. Recent progresses on the gravitational self force problem for compact binaries, now solved numerically to second order in the mass ratio. Analytic expressions to be developed?
  8. All these questions can be repeated in modified gravity theories, see Théories de gravité, where there are many developments to refine. For the moment scalar-tensor theories are the only ones with accurate waveforms predicted.
  9. Wave forms from other individual sources: important to understand other possible GW signals (continuous waves, supernovae, bursts, boson stars, other exotic possibilities etc): there could well be new discoveries in the next 10 years, and one needs to be prepared.

Jetology, Matteo Cacciari et Gregory Soyez (07/02/2023)

Jets have been among the most used objects in high-energy collider physics over the past decades. It is therefore a mature field, which has seen recent progress as the development of jet substructure techniques and the introduction of machine learning applications.

Three strong directions should be considered for the future:

1. The use of jets as precision tools. The forthcoming HL-LHC and FCC programmes, as well as the development of more precise higher-order calculations, will need to be accompanied by equally performant jet algorithms and techniques. In particular, this will bring new opportunities in developing and using jet substructure techniques.

2. The use of jets as tools for New Physics searches. While one can expect the main focus to shift to machine learning-based approaches, optimal performance and validation will still require cross-validation with jet-based analyses and analytical calculations. Moreover, the training of machine-learning tools will need access to high-quality and reliable simulation tools like Monte Carlo generators and parton showers, which must therefore be further improved and maintained.

3. Jet physics in heavy-ion collisions. High-energy probes have long been used as a way to study the quark-gluon plasma. Early attempts to use jets at the LHC (and at RHIC) show great potential and will gain importance in the years to come. This will need a combined effort from the heavy-ion and QCD communities as well as the involvement of researchers with knowledge on both sides.

Calculs sur réseau, Laurent Lellouch, 14/02/2023

Calculs sur réseau

QCD et théories des champs sur réseau

Le développement de méthodes de calcul pour l'étude de la théorie des champs sur réseau était à l'origine motivée par le désir de comprendre la chromodynamique quantique (QCD) dans son régime non-perturbatif. Depuis lors, la QCD sur réseau est devenue un outil de précision avec des applications à un large éventail d'observables, aidant dans l’interprétation de nombreuses expériences en physique des particules et nucléaire, ainsi que dans notre compréhension de l’univers primordial et d’objets stellaire très denses, comme les étoiles à neutrons.

Dans ce qui suit sont d’abord présentés les principaux défis auxquels la QCD sur réseau est confrontée dans l’étude de question fondamentales en physique des particules, en cosmologie et en astrophysique:

*) La recherche indirecte de nouvelle physique fondamentale à l’aide de la physique des saveurs de quarks ou de mesures de précision, telles celles du moment magnétique anomal du muon ou d’observables électrofaibles, auprès d’accélérateurs actuels et futurs. Dans les prochaines années, un des défis est de faire des prédictions, avec une précision meilleure que le pourcent, pour des processus avec au plus un hadron dans l’état initial et final, afin rester compétitif avec l’expérience. Cela nécessite de continuer à développer des approches nouvelles pour prendre en compte les corrections de QED et dues à la différence des masses des quarks u et d, mais également pour faire des simulations avec des mailles plus fines dans des volumes plus grands, ce qui est loin d’être évident avec les algorithmes actuels. Un autre défi est de poursuivre le développement de méthodes pour étudier des processus importants avec plusieurs hadrons dans l’état final, ou même avec tous les états hadroniques finaux possibles (désintégrations inclusives).

*) La détermination de paramètres fondamentaux telles la constante de couplage forte ou la masse des quarks. Cela permet des tests de précision de la nature standard ou non du Higgs. Ici, les précisions atteintes actuellement sont suffisantes pour le programme du LHC de la prochaine décennie.

*) La structure longitudinale en quarks et gluons (les partons) en diffusion profondément inélastique sur des hadrons tels le proton ou le neutron (fonction de distribution de partons ou PDFs). Celle-ci sont nécessaires pour interpréter les mesures faites auprès du LHC et d’expériences sur les neutrinos énergétiques, un des objectifs de la future expérience LBNF/DUNE ou HyperK. De nouvelles méthodes ont été développées pendant la décennie passée. Le défi, dans la décennie à venir, est de développer les méthodes et de procéder aux simulations qui permettront contrôler les incertitudes dans ces calculs, une nécessité pour l’interprétation des résultats des expériences. Un autre défi est de faire de même pour le calcul de fonctions de distribution partoniques le long d’autres directions, une application qui a débutée récemment. Avec l’appui d’expériences telles que celles du Jlab actuel et du futur collisionneur électron ion (EIC), ces calculs permettront une tomographie tri-dimensionnelle de la structure en quarks du proton.

*) La recherche de violations de symétries fondamentales ou la recherche de physique au delà du SM se fait communément avec des nucléons ou des noyaux atomiques dans des expériences de relativement basse énergie. Cela va de la recherche directe de la matière sombre de l’univers à la désintégration double beta sans neutrinos, signe que les neutrinos ont une composante de Majorana. Ici, la QCD sur réseau est nécessaire pour faire le lien entre les théories de nouvelle physique fondamentale et les mesures expérimentales, via le calcul de diverses propriétés des nucléons et des modifications que celle-ci subissent quand le nucléon se trouve au sein d’un noyau atomique. Ici, un des grands défis des années à venir est de développer de nouvelles méthodes et algorithmes pour réduire de façon significative le bruit statistique de ces simulations, notamment pour les noyaux atomiques, afin de pouvoir interpréter les résultats de ces nombreuses expériences, mais aussi de construire une physique nucléaire ab initio, avec toutes les applications auxquelles cela pourrait mener.

*) La QCD sur réseau est également un outil important pour explorer la dynamique des quarks et gluon à température et à densité finie, telle qu’elle intervient dans l’univers primordial, dans les collisions d’ions lourds ou dans le cœur très dense des étoiles à neutron. Ici, alors que des densités faibles peuvent être étudiées avec les méthodes actuelles, les densités élevées, telles que celles dans le cœur des étoiles à neutron, restent inaccessibles à cause d’un « sign problem ». De nouvelles idées sont donc nécessaires. L’une d’entre elle pourrait être d’avoir recours aux ordinateurs quantiques quand ceux-ci, et notre compréhension de comment les utiliser pour simuler les théories quantiques des champs, auront atteint une maturité qui leur permettra de traiter la QCD en 3+1 dimensions (voir ci-dessous).

*) Bien que le secteur électrofaible du SM soit chiral, nous ne savons toujours par régulariser ces théorie d’une façon qui permettrait de les étudier non perturbativement. Ici de nouvelle idées théoriques sont nécessaires.

Au delà de la QCD, la théorie des champs sur réseau est confrontée à d’autres défis, dans les applications suivantes:

*) Théories des champs conformes (CFT): la QFT sur réseau peut, en principe, être utilisée pour étudier des théories de jauge avec un contenu en matière qui les rendraient conformes ou presque conformes à basse énergie. De telles théories pourraient apporter une explication plus fondamentale au mécanisme de Higgs et dans lesquelles le Higgs serait une un pseudo-dilaton ou un pseudo boson de Goldstone composite. L’étude de ces théories permet également des comparaisons avec l’approche du « conformal bootstrap ».

*) Matière sombre composite: ici le secteur sombre est décrit par une théorie de jauge qui ressemble à la QCD. Les méthodes de QCD sur réseau peuvent donc être utilisées pour étudier les masses des particules composites de cette théorie, sa thermodynamique et les interactions entre ces particules composites, apportant les informations nécessaires pour décider si la théorie étudiée reproduit les observations.

*) Supersymétrie et AdS/CFT: bien qu’il soit difficile d’implémenter des supersymétries de degré élevé sur un espace-temps discret, de nouvelles idées ont été proposées récemment. Celles-ci restent en grande partie à explorer et pourrait apporter des informations importantes sur la relation entre CFT et gravitation classique sur un espace-temps AdS à 5 dimensions.

Pour les deux premiers sujets, un des défis est le nombre de différentes théories possibles. En effet, avec les techniques d’aujourd’hui, la simulation d’une de ces théorie peut prendre des dizaines de millions d’heures CPU sur les supercalculateurs actuels. Pour pouvoir étudier plus largement l’espace de ces théories et trouver celles avec les propriétés les plus pertinentes, il faudrait accélérer de façon très importante la simulation de ces théories. Ici, des innovations dans la théorie de l’apprentissage automatique pourraient lever ce verrou (voir ci-dessous).

Liens avec l’apprentissage automatique

Un des grands défis de la théorie quantique des champs sur réseaux sont les ressources de calcul très importantes qu’elles demandent, notamment lorsque la taille de maille est réduite pour prendre la limite du continu nécessaire. Ici, le développement de nouvelles méthodes d’apprentissage automatique génératives, qui respectent les symétries de la théorie, pourrait apporter l’accélération des algorithmes nécessaires pour réduire les erreurs avec la prise de la limite du continu, ainsi que de permettre l’exploration de l’espace des théories des champs d’intérêt pour la physique au delà du SM. Les méthodes d’apprentissage automatique commencent également à être utilisées pour le calcul des fonctions de corrélation nécessaires pour la description d’un processus donné, mais aussi pour l’extraction des observables physiques à partir de ces fonctions de corrélation.

Théories des champs sur réseau et informatique quantique

L'approche standard de la théorie des champs sur réseau part de l'intégrale de chemin euclidienne (en temps imaginaire) pour étudier les effets non perturbatifs des théories fortement couplées à l’aide de simulations Monte Carlo. Cela ne permet pas d’étudier la dynamique de diffusion en temps réel, les systèmes à densité finie (plasma quark-gluon à densité élevée, étoiles à neutrons), ou les QFTs avec un couplage topologique, entre autre. L’étude non perturbative de tels systèmes représente d’énormes défis pour notre compréhension de QFTs fortement couplées. Ici, l’informatique quantique et la simulation quantique pourraient permettre de surmonter ces limitations dans une approche Hamiltonienne, à l’aide de « réseaux de tenseurs ». Mais ces approches ne sont qu’à l’état de balbutiements. Pour l’instant, seules des théories simples comme U(1) ou SU(2) en 1+1 dimensions ont été étudiées. Pour contempler l’étude de théories de jauge en 3+1 dimensions, un travail théorique très important reste à faire.

Test de la modification de la gravitation, Philippe Brax (15/02/2023)

La modification de la gravitation à basse énergie et ses tests en laboratoire est motivée par deux phénomènes dominant aux échelles cosmologiques et dont la nature nous est encore inconnue : l’énergie noire et la matière noire. Dans les deux cas, l’existence de champs scalaires très légers est une des explications avancées comme étant à l’origine de l’accélération de l’expansion de l’univers ou de la matière noire froide. Dans le cas de l’énergie noire, l’explication la plus plausible est sans doute une simple constante cosmologique bien que celle-ci se heurtent a de nombreux obstacles théoriques. De plus certaines conjectures (swampland) en théorie des cordes mettent en avant l’impossibilité d’une constante cosmologique positive d’origine fondamentale et l’existence de champs scalaires pour décrire l’inflation primordiale ou l’énergie noire. De même, l’échec de la détection de matière lourde et faiblement couplée aux accélérateurs a relancé la recherche de matière noire légère sous forme de champs scalaires. Dans les deux cas, ces champs scalaires couplent naturellement à la matière et viendrait jouer le rôle de cinquième force en laboratoire. Les principaux effets de ces champs scalaires pourraient être visibles dans un grand nombre d’expériences :

  • Effet Casimir : l’attraction quantique entre deux plaques métalliques pourrait être modifiée à des distances de l’ordre de l’échelle de l’énergie noire, 80 microns, dans des effets à la fois classiques (l’existence d’une nouvelle force) ou quantique par l’intermédiaire de boucles de champs scalaires. Les calculs les plus propres mettent en jeu le cas de l’attraction entre plaques parallèles. Le cas plaque-sphère est plus facile à réaliser expérimentalement mais souffre de l’incertitude du passage du calcul des forces plan-plan a plan-sphère. En effet la méthode dite de « proximité » n’est pas toujours opérante et rend le calcul des effets sphère-plan plus compliqués à obtenir.
  • Les tests de violation du principe d’équivalence : les champs scalaires légers couplent génériquement différemment à la matière et aux gluons, impliquant des couplages différents pour différents atomes. Ceci peut être testé en laboratoire entre des corps de différentes compositions grâce à des balances de torsion ou encore à l’intérieur de satellites comme Microscope ou leurs futures extensions. Ces effets sont en général paramétrisés par la méthode de Damour-Donoghue mais la recherche de modèles explicites fondamentaux menant à ces effets devrait se développer, en particulier en lien avec la physique de la matière noire ultralégère.
  • Les tests de la loi de Newton à courte distance : Dans ce cas et aux échelles submillimétriques une modification de la loi de Newton serait testable. Ceci permet de tester de façon importante les modifications de la gravitation par des champs scalaires écrantés en présence de matière.
  • L’interférométrie atomique : Ceci utilise la mécanique quantique et les effets d’une nouvelle interaction entre champ scalaire et atomes qui viendrait corriger l’équation de Schrödinger. Quand une faisceau d’atome est séparé en deux par une impulsion laser puis se recombine sur un écran, les figures d’interférence obtenues dépendent du potentiel, donc la modification de la gravitation, sentie par les atomes le long des deux trajectoires. Ce test est très prometteur car de nombreuses expériences sont en construction (Magis, Aion..) avec des bras de levier pouvant aller jusqu’à 100 mètres.
  • Neutrons bondissants : C’est une technique très bien développée par laquelle les niveaux quantiques du neutron dans le champ gravitationnel terrestre sont mesurés par interférence de Rabi. Une nouvelle interaction vient modifier ces niveaux. Cette technique permet de tester des effets classiques (nouvelle force) ou quantique (Casimir-Polder) entre le miroir sur lequel les neutrons rebondissent et les neutrons. Elle est particulièrement sensible à des effets de très courte portée de l’ordre du micron.
  • Horloges atomiques : Les transitions atomiques dépendent de la masse des nucléons et de l’électron. Si la matière noire est le résultat d’un champ scalaire oscillant et si elle couple à la matière, alors les transitions atomiques sont perturbées. Ceci permet des tests fins de la matière noire scalaire.

Toutes ces techniques expérimentales sont en développement avec des progrès sur les distances et les couplages testes. Du point de vue théorique, pour la matière noire les échelles de masses testées sont sub-eV. Pour l’énergie noire et dans le cadre de modèles écrantés, les masses sont aussi testables pour des longueurs de Comptons de quelques microns.

Du point de vue théorique, il n’existe pas de « modèle standard » de la matière noire scalaire ultralégère ou de l’énergie noire scalaire couplée à la matière. Un progrès théorique important serait d’obtenir une classe de modèles effectifs qui seraient stables sous corrections radiatives et dont l’origine pourrait être justifiée par des théories de haute énergie plus complètes. Ceci est un travail encore à effectuer.

Bootstrap method perspectives, Slava Rychkov (22/02/2023)

Most problems in physics come dened by some dynamical equations (example: the QCD Lagrangian from which all properties of hadrons should in principle follow). One can try to solve equations directly, analytically (perhaps approximately) or numerically. Alternatively, one could try to discern general properties of the solution and try to derive the solution based on those properties. This latter strategy became known as “The bootstrap method”.

“Bootstrap” is more sophisticated than just the use of symmetry. Symmetry by itself, which is usually group theory plus effective field theory considerations, cannot usually fix he solution completely (example: chiral Lagrangian in QCD whose form is fixed, order by order in derivative expansion, by symmetry considerations, but coefficients of various terms cannot be fixed by symmetry and have to be determined e.g. by comparing with experiment).  Bootstrap gets its extra power by imposing on top of group theoretic constraints of symmetry some additional constraints of analytic (as opposed to algebraic) nature. Below we will discuss conformal bootstrap and S-matrix bootstrap, which share a lot of ideology and which have had and will continue to have a lot of impact.

In the conformal bootstrap, the object of study is a conformal field theory (CFT). Usually, conformal field theories are obtained as renormalization group fixed points of ordinary Lagrangian field theories. These fixed points are often strongly coupled and it is hard (although not impossible) to make predictions based on perturbation theory (which needs to be resummed). Conformal bootstrap takes advantage of the fact that a CFT can be defined directly in terms of renormalized quantities - scaling operator dimensions and operator product expansion (OPE) coefficients. Symmetry considerations (conformal group) play a very important role by restricting the dependence of correlation functions on coordinates. On top of this there is an analytic constraint - Euclidean correlation functions have to be analytic functions of their arguments (away from coincident points) and allow a convergent expansions in a basis of conformal partial waves. Imposing these constraints it has been possible to determine scaling operator dimensions and OPE coefficients for many three-dimensional CFTs of interest to statistical physics, like the critical point of the 3D Ising model. There are also interesting 4D CFTs, like the conformal window of QCD theories with a large number of flavors. These theories represent an interesting target for ongoing research. Bootstrap has been also applied in presence of supersymmetry, e.g. to the N = 4 super Yang-Mills theory at finite Nc. There is numerical bootstrap (requiring computations on computer clusters with dedicated software), and analytic bootstrap. Conformal bootstrap is very lively with several hundreds of papers written since 2008, dozens senior researchers around the world, and many conferences. An international Simons bootstrap collaborationhttps://bootstrapcollaboration.com coordinates this research since 2016 (although the grant from Simons foundations is coming to an end). In France conformal bootstrap is represented by the following researchers holding permanent positions: Balt van Rees (CPHT), Miguel Paulos, Yifei He (LPENS), Eric Perlmutter, Dalimil Mazac, Sylvain Ribault (IPhT), and myself. Further info and references may be found in this review paper https://arxiv.org/abs/1805.04405.

In the S-matrix bootstrap the object of study is a Lorentz-invariant scattering amplitude of quantum particles. E.g. one may be interested in the study of pi-meson scattering amplitude in QCD, or a gravition scattering amplitude. In QCD this S-matrix is hard to compute directly, even on the lattice, so one hopes to use bootstrap methods. In gravity the amplitude cannot be computed since we don't know the UV completion of gravity. By studying this amplitude with the bootstrap we may hope to learn constraints that any UV-completion of gravity should satisfy. Historically the S-matrix bootstrap was proposed by Jeffrey Chew and others in the 1960s. That was followed by a hiatus until recently, when researchers started looking at this again, encouraged by the progress of the conformal bootstrap. There are two main lines of development. The first, most ambitious, is to apply S-matrix bootstrap in the fully non-perturbative setting, like for hadrons in QCD. The second, less ambitious, is to impose extra constraints which come from considering large Nc limit in QCD or similar limits in gravity theories. The analytic constraints in S-matrix bootstrap come from unitarity and from analyticity of the scattering amplitude. In the large Nc limit these constraints simplify, since the amplitude becomes a rational function of Mandelstam invariants. Many interesting results have been obtained so far, in several dozens of papers. I'd say there is no breakthrough yet which could equal the conformal bootstrap 3D Ising result, but it is expected to come soon. I will cite a recent result which may have consequences for the Higgs coupling measurements at LHC. In France, S-matrix bootstrap is represented by Balt van Rees (CPHT), Piotr Tourkine (LAPTh) and Yifei He (LPENS). It's worth investing more into this line of research. There are other similar bootstraps around (like modular bootstrap, quantum-mechanical bootstrap, or bootstrap for dynamical systems), niche fields so I leave them out. Finally there are other approaches which are also called bootstraps by their practitioners (like cosmological bootstrap or bootstrap for perturbative scattering amplitudes), but they are further apart from the above group of methods, and I won't comment on them.

Andrea Puhm, Celestial amplitudes [5/03/2023]

Celestial Amplitudes and Soft Theorems

The S-matrix is the basic observable in quantum gravity in asymptotically flat spacetimes. Usually we compute it in basis of asymptotic energy eigenstates described by plane waves basis which makes translation symmetry manifest. Making instead Lorentz symmetry manifest, by recasting the Smatrix in a basis of boost eigenstates, reveals that it shares similarities with correlation functions in a conformal field theory (CFT). These so-called celestial amplitudes have been the object of study over the past seven years. In particular, universal features that arise in energetically soft and collinear limits take a natural form in CFT language. This presents us with an opportunity to bring the vast power of CFT techniques to bear directly on questions about (quantum) gravitational scattering processes in asymptotically flat spacetimes. Moreover, it may lead to the so far elusive holographic description of quantum gravity in spacetimes with flat asymptotics in terms of a theory without gravity defined on the boundary of the spacetime. A significant body of work over the past half century has examined the infrared structure of gravity and gauge theories in the form of soft theorems, asymptotic symmetries and memory effects. Building on these insights it was uncovered more recently that these different infrared effects are actually related. These old and new developments have culminated in a promising proposal for a holographic principle in asymptotically flat spacetimes: celestial holography conjectures that quantum gravity in spacetimes with flat asymptotics is dual to a conformal field theory on the celestial sphere at null infinity. In contrast to the most studied example of holography which relates string theory on a d + 1 dimensional Anti-de Sitter spacetime to a conformal field theory on its d dimensional boundary which is time-like, celestial holography is co-dimension two and the boundary is null. Indeed the Lorentz group in d + 2 dimensional Minkowski space acts as the Euclidean global conformal group on the d dimensional celestial sphere at null infinity. Novel insights furthermore suggest that every asymptotically flat four dimensional quantum theory of gravity is goverened by an infinite tower of symmetries. These include BMS supertranslations (an infinite enhancement of the four translations in space and time – named after Bondi, Metzner and Sachs) as well as superrotations (infinite enhancements of the six rotations and boosts) which act on the celestial sphere as two dimensional local conformal transformations. The rest of the infinite tower is naturally explained from the CFT perspective: Soft theorems when recast in a boost basis map to correlation functions of conserved operators which include currents and the stress tensor but also operators that satisfy higher-derivative conservation equations – these are not usually considered in standard unitary CFTs but are determined by conformal representation theory. The infinite tower of conserved operators in gravity was, moreover, shown to satisfy the loop group of the wedge algebra of the algebra w1+∞ of area preserving diffeomorphisms of the plane. This group has played an important role in multiple areas of mathematics and physics, notably in Penrose’s non-linear graviton construction in the twistor program. Asymptotic symmetries are related to memory effects. Future experiments such as advanced LIGO, LISA or the Einstein Telescope aim to measure the gravitational displacemenent memory effect associated to BMS supertranslations. Proposals for meausing the more recently proposed spin memory effect related to superrotations are also being studied. An open question is the role of the remaining infinite tower of symmetries associated to ever more subleading (in the energy) soft theorems in terms of memory effects and their potential observability in experiment. Besides offering a natural language for soft physics the much-studied collinear expansion in QFT is dual to the operator product expansion (OPE) in the boundary celestial CFT. Another important goal is to understand how bulk unitarity, locality and causality are encoded from the boundary perspective, and to uncover physical consistency conditions that celestial CFTs with sensible bulk duals obey. The bootstrap philosophy is that the observables of a CFT can be fixed by requiring some general axioms such as symmetries, unitarity, the existence of an associative OPE, etc. A central goal of the celestial holography program is to identify the axions and principles obeyed by celestial CFTs. This is likely to have a stimulating interaction with the S-matrix bootstrap program. The celestial bootstrap frames these questions in a qualitatively new setting, with the use of boost eigenstates opening up a wide array of new questions. There are also emerging connections with mathematics, most notably twistor theory as well as topological field theory and twisted holography - a version of open/closed duality for topological strings which offers a mathemtatically rigorous approach to studying holographic dual pairs. Another potential top-down approach arises from emerging connections to string theory. Scattering amplitudes in string theory are generated by a 2D worldsheet CFT and it is natural in 4D to try to relate this to the dual celestial CFT. A litmus test of celestial holography is whether it can account for non-perturbative physics such as the formation and evaporation of black holes from the perspective of the boundary theory. This is a highly challenging open question, but first steps towards understanding celestial holography for non-trivial backgrounds including black holes are already underway.

Blaise Goutéraux, AdS/CFT (07/03/2023)

La dualité entre la théorie de jauge supersymmétrique N=4 super Yang Mills et la théorie des cordes de type IIB, établie en 1997 et 1998 par une série d’articles de Maldacena, Witten et Gubser-Klebanov-Polyakov, a provoqué une véritable révolution dans le domaine de la théorie des hautes énergies. En effet, cette dualité stipule que certaines théories de jauge dans un régime de couplage fort sont duales à certaines théories de gravitation émergent de la théorie des cordes dans la limite de basse énergie. Ces théories de gravitation incluent la gravité d’Einstein couplée à certains champs de matière et résoudre leurs équations ne présente pas de problème conceptuel, contrairement au cas des théories de jauge en couplage fort. La dualité holographique a été largement utilisée depuis pour tenter de progresser dans la compréhension de la gravitation quantique. L’application à la QCD a également été une direction de recherche naturelle et fructueuse, étant donné la proximité de QCD avec N=4 super Yang Mills.

Une direction plus spéculative concerne l’application de ces idées aux systèmes de Matière Condensée fortement corrélés, dont la phase métallique étrange des supraconducteurs à haute température critique (HTCs) constitue un exemple typique. Ces matériaux, découverts dans les années 80, présentent des propriétés électroniques (transport, spectroscopie) qui diffèrent radicalement de la théorie du liquide de Fermi et de la théorie BCS de la supraconductivité. Aujourd’hui encore, il n’existe pas de consensus théorique (voire expérimental) à leur sujet, ce qui ouvre la voie à l’application d’approches moins conventionnelles, telle la dualité holographique.

Les méthodes holographiques présentent de multiples avantages : - Elles sont formulées directement en signature Lorentzienne, et permettent donc d’éviter les soucis liés à la continuation analytique depuis la signature Euclidienne, qui affectent notamment les calculs de transport (à fréquence nulle). - Elles évitent le problème de signes liés aux fermions à densité non-nulle (qui se posent d’ailleurs également en QCD sur réseau). - Les équations d’Einstein peuvent être résolues numériquement, ce qui permet d’étudier des modèles concrets et explicites à symétrie réduite (typiquement sans symétrie sous les translations d’espace). (En ce sens, ce domaine de recherche va au-delà du domaine traditionnel de la relativité générale, où l’accent est mis sur les solutions connues sous forme analytique) - Les phénomènes dissipatifs sont incorporés de manière cohérente via les conditions au bord des champs de la théorie à l’horizon du trou noir (contrairement à ce qui se fait souvent en Matière Condensée faute de mieux, par exemple les extensions dissipatives des équations de Gross-Pitaevski). - On peut construire explicitement le flot du groupe de renormalisation, via la solution de trou noir correspondante, ce qui n’est généralement pas possible pour un système en interaction.

Elles ont toutefois des inconvénients : - La dualité implique de prendre la limite où le rang du groupe de jauge tend vers l’infini. Ceci peut induire des artefacts, et les corrections à cette limite sont assez mal comprises (c’est un problème difficile). A noter néanmoins que les limites de grand nombre de saveurs/couleurs sont également souvent utilisées par les théoriciens de la matière condensée, donc cela ne pose pas de problème en principe. - Microscopiquement, les théories holographiques sont extrêmement différentes des systèmes de Matière Condensée (un réseau d’atomes avec électrons interagissant via des interactions de Coulomb, pour faire simple). Il est donc nécessaire (pour le moment et en l’absence de formulations discrètes de dualités holographiques) de se cantonner à des questions relevant d’une description effective (aux basses énergies) de la dynamique de ce système. Cela n’est pas déraisonnable, la théorie du liquide de Fermi décrit très bien les métaux conventionnels tout en étant une théorie effective.

Voici quelques directions de recherche prometteuses à plus moins moyen terme : - Construire explicitement les actions effectives quantiques décrivant les états holographiques aux basses températures, duaux à des phases critiques quantiques qui ne sont pas invariantes d’échelle. La phase métallique étrange des HTCs semble s’étendre sur un intervalle continu du dopage, et les observables de transport (résistivité etc) dépendent de la température ou du champ magnétique sous forme de lois de puissance incompatible avec l’invariance d’échelle accompagnant une description fondée sur un point critique quantique. Les phases critiques quantiques holographiques sont donc un terrain intéressant d’investigation de ces phases critiques quantiques. - Les méthodes holographiques permettent de construire explicitement des systèmes où les translations d’espaces sont brisées explicitement par le désordre ou par interaction de type umklapp. Ceci implique un effort numérique important pour construire les solutions gravitationnelles correspondantes, de co-dimension un ou deux. Une fois ces solutions construites, on peut ensuite étudier leurs propriétés de manière très détaillée et les confronter à la fois aux modèles de Matière Condensée traditionnels et aux mesures expérimentales. - L’incorporation des fermions dans la théorie gravitationnelle reste une frontière active. La majeure partie des travaux d’origine à la fin des années 2000 et au début des années 2010 reposent sur la limite sonde, où les fermions ne couplent pas à la métrique. Des travaux ont suivi incorporant ce couplage mais dans une limite semi-classique. Traiter les fermions dans le régime quantique, ce qui suppose de résoudre l’équation de Dirac quantique couplée à la gravitation, est un objectif ambitieux. Ceci permettrait de mieux comprendre le destin des fermions en couplage fort et de comparer à la théorie du liquide de Fermi.

Jean-Yves Ollitrault, 13/03/2023, Phys hydropique, QGP

Physique hadronique :

Le collisionneur électron-ion en projet aux USA ouvre de nombreuses perspectives, détaillées dans le “yellow report” https://arxiv.org/abs/2103.05419 Avec des faisceaux de protons, il permettra d'obtenir une image précise de la structure du nucléon, en mesurant par exemple la distribution d'impulsion en trois dimensions (TMD) des partons qui le composent. Avec des faisceaux de noyaux, on pourra pour la première fois isoler les collisions dites “diffractives”, dans lesquelles le noyau est faiblement perturbé. Elles donnent un accès direct au contenu en gluons des noyaux et devraient permettre de mettre en évidence le phénomène de saturation, qui se produit lorsque le nombre d'occupation des états quantiques est grand.

Dans un autre registre, la mise en évidence récente de hadrons exotiques a suscité un regain d'intérêt des théoriciens. Au moins 8 nouveaux tétraquarks ont été découverts au LHC depuis 2020, dont les propriétés peuvent être étudiées par plusieurs approches théoriques complémentaires (règles de somme de QCD, calculs sur réseau) et qui enrichissent notre connaissance de l'interaction forte.

Matière nucléaire:

On connait depuis longtemps les relations entre physique nucléaire et astrophysique. L'équation d'état de la matière nucléaire est indispensable pour la modélisation des étoiles à neutrons, et les propriétés de noyaux très instables, dits exotiques, sont essentielles pour comprendre la synthèse des éléments lourds dans l'Univers au sein des supernovae. Ces vieux problèmes vont connaître un essor nouveau. D'une part, la détection des ondes gravitationnelles émises lors de la fusion d'étoiles à neutrons donne des contraintes nouvelles sur l'équation d'état, qui sont activement étudiées à l'INP. D'autre part, de nouveaux accélérateurs délivrant des faisceaux d'ions radioactifs voient le jour à travers le monde (NICA en Russie, FAIR en Allemagne, SPIRAL2 en France, RIKEN au Japon) qui renouvelleront notre connaissance des noyaux exotiques.

Les collisions noyau-noyau à très haute énergie aux collisionneurs RHIC et LHC ont été réalisées pour étudier le régime de plus haute densité, où les nucléons sont dissociés en leurs constituants élémentaires, quarks et gluons. Ces collisions posent des problèmes théoriques fondamentaux inédits. Il s'agit par exemple de comprendre comment s'opère la thermalisation d'un système trop dense pour être décrit en termes de quasi-particules. C'est un problème ancien, mais qui n'est pas résolu, et sur lequel des progrès continuent d'être faits, qui s'accompagnent d'avancées fondamentales dans le domaine de la théorie des champs.

Un développement nouveau, et inattendu, est que ces collisions à très haute énergie nous renseignent sur la structure du noyau atomique, par exemple sa déformation, de manière plus directe que les expériences traditionnelles de basse énergie. Il s'agit d'un sujet jeune (voir par exemple https://www.int.washington.edu/index.php/programs-and-workshops/23-1a ) sur lequel les progrès sont rapides. Si les études se limitent pour l'instant aux propriétés de tel ou tel noyau, il est raisonnable d'espérer que la perspective s'élargisse, dans un horizon proche, à des questions plus fondamentales. La phénoménologie de ces collisions pourrait par exemple contraindre les paramètres des théories effectives de l'interaction forte à basse énergie, qui représentent l'approche moderne aux problèmes de structure nucléaire.

Comprendre les propriétés des noyaux suppose d'une part de connaître l'interaction entre nucléons, d'autre part de résoudre le problème à N corps avec ces interactions. Pour cette résolution, les calculateurs quantiques pourraient apporter des progrès décisifs, comme le montrent déjà des études préliminaires https://arxiv.org/abs/2303.04850

Benjamin, Fuks,HEP Monte-Carlos, 16/03/2023

Les dernière décennies ont vu d’énormes progrès dans le développement d’outils de simulation Monte Carlo pour la physique aux collisionneurs. Cependant, un grand chemin reste encore à parcourir afin de pouvoir simuler de façon systématique tous les processus pertinents pour le LHC et les collisionneurs futurs. Par exemple, les calculs sous-dominants en QCD ne peuvent toujours pas être combinés de façon systématique avec les algorithmes de cascades partoniques nécessaires à la description de l’environnement d’un collisionneur hadronique, et de nombreux processus importants restent trop compliqués pour les performances des ordinateurs actuels. Une solution à ce problème demande le développement de méthodes d’évaluation des éléments de matrice plus efficace, une intégration sur l'espace des phases plus rapides, et éventuellement le recours à de nouvelles techniques basées sur l’apprentissage profond, le calcul massivement parallèle ou les GPUs. De plus, une inclusion systématique des corrections NLO électrofaibles combinés aux cascades partoniques reste à faire, ce qui sera d’ailleurs crucial au vu de la précision des futures données. D’un autre côté, d'importants progrès ont été réalisés pour le calcul des corrections à deux boucles, notamment pour les processus avec peu de particules dans l'état final. L'automatisation des calculs NNLO pourrait ainsi voir le jour dans les prochaines années. Une première étape à moyen terme concerne la génération des intégrands à deux boucles pour les processus à 4 ou 5 particules externes et son automatisation, tout comme la réduction des intégrales associées en terme d’intégrales de base. Ces deux tâches semblent à présent à portée de main au vu de développements récents en mathématique.

Tomagraphie partonique, Samuel Wallon 30/03/2023

Le développement de schémas de factorisation avancés, en utilisant les concepts de distributions de partons dépendantes du moment transverse 3D (TMD) et de distributions de partons généralisées 3D (position transverse 2D + moment longitudinal 1D) (GPD), et plus généralement de distribution de Wigner, est un enjeu essentiel pour accéder à une tomographie partonique en position, impulsion et spin des hadrons. Ceci concerne un grand nombre d'observables dans les collisions électron-hadron (noyau) et proton-proton (noyau)n polarisées ou non polarisées. De façon générale, ces factorisations doivent être étudiées analytiquement à l'ordre NLO, et des générateurs d'événements Monte-Carlo doivent être développés. L'extraction des distributions partoniques, non perturbatives par essence, est maintenant envisageable grâce à QCD sur réseau. L'étude de la limite à haute énergie de la QCD où le phénomène de saturation des partons émerge est également essentielle. Malgré de nombreux progrès conceptuels, l'état actuel de la théorie n'est toujours pas satisfaisant : sa précision perturbative est en général encore trop grossière pour permettre des comparaisons réalistes avec les données et les schémas de factorisation ne sont pas suffisamment développés pour traiter les états finaux moins inclusifs mesurés dans les expériences. Les applications phénoménologiques s'écartent d'une approche rigoureuse de premier principe en incorporant des éléments de modélisation et des paramètres libres ad hoc dans des domaines qui devraient en principe être contrôlés. Les développements futurs comprennent la réalisation de calculs d'ordre supérieur, l'établissement de schémas de factorisation plus sophistiqués et la réalisation des resumations nécessaires à tous les ordres de diverses classes de corrections radiatives.

Future of Loops, Dima Chicherin 30/03/2023 voir pdf

QCD sur réseau, B. Blossier 14/04/2023

es simulations numériques de QCD sur réseau sont effectuées pour prendre en compte les effets de l’interaction forte dans son régime non perturbatif en s’appuyant sur les premiers principes de la théorie quantique des champs. Les équipes concernées devront poursuivre l’activité menée pour réduire l’incertitude théorique sur les éléments de matrice hadroniques qui paramètrent des processus intéressants en phénoménologie, notamment en physique du méson B ou en physique du muon, puisqu’ils demeurent un groupe de processus de basse énergie où l’observation expérimentale d’écarts avec les prédictions du Modèle Standard est possible. Par ailleurs il est vivement encouragé d’accroître l’effort mis sur l’étude des observables de la physique hadronique « sur le cône de lumière », fonctions de distributions de partons et distributions de partons généralisées, et d’investiguer les méthodes élégantes en train d’émerger pour l’étude des processus inclusifs en physique du B, en physique du tau ou en diffusion profondément inélastique du proton. L’arrivée dans le paysage international des machines « Exascale », d’une puissance de calcul à l’échelle EFlops, ne doit pas reléguer la France au rang secondaire. A ce titre il est essentiel que les chercheurs et chercheuses basé(e)s à l’étranger et qui collaborent avec les équipes de nos laboratoires aient un accès aux machines du GENCI. Actuellement c’est impossible, ou alors au prix de contorsions administratives sans réel objet, comme la création d’un compte fictif sur le système informatique d’un laboratoire français. Les équipements équivalents installés dans les autres pays européens ne connaissent pas ce régime ZRR spécifique à notre pays. Les transferts massifs de données, de l’ordre du PB voire davantage, est aussi plus laborieux qu’ailleurs. Cette particularité de notre système d’infrastructure est malheureusement un frein à l’attractivité de notre pays auprès de nos collègues étrangers.

S-matrix et Méthodes non perturbative, Piotr Tourkine 1/05/2023

Le bootstrap de la matrice-S des années 60 est une remarquable combinaison d'idées analytiques pour contraindre la forme des interactions causales en mécanique quantique relativiste. Ce qui est vraiment remarquable est que ces idées n'aient jamais été appliquées *en pratique*. Les méthodes que j'utilise sont basées sur des idées originalement dues à Mandelstam et ont pour but de construire des matrices-S en dimension 4, chose qui n'a jamais été faite avant. Ces méthodes partent de données à basse énergie, et unitarisent les amplitudes de manière non-perturbative, tout en respectant la symétrie de croisement. Les applications sont très nombreuses, car on ne sait presque rien de la vraie structure non-perturbative des matrices-S en dimensions plus haute que 2. On pourra à court terme construire l'amplitude de diffusion des pions. À long terme, on vise la gravité quantique et à comprendre comment s'unitarise la diffusion de gravitons et si on détecte des traces de la théorie des cordes dans ces matrices-S.

Autres échanges qui ont fait partie de la synthèse

  • Contactés par Fawzi ou Pierre
  • Piotr Tourkine (S-matrix), discussions et texte court
  • Entretien Grégory Moreau, 30/01.
  • Cédric Delaunay (Visio,02/02, lien métrologie/précision basses énergies)

]

  • Danièle a contacté les suivants le 3/2/23:
    • Chiara Caprini, lien OG → feedback reçu
    • E.Kiritsis (ADS-CFT etc) → feedback reçu
    • F.Nitti → feedback reçu
    • C.Charmousis → feedback reçu
    • E.Babichev → feedback reçu
    • C.Deffayet → feedback reçu
    • L.Bernard → feedback reçu
    • N.Tamanini → feedback reçu
    • K.Noui → feedback reçu
    • P.Peter→ feedback reçu
    • D.Langlois → feedback reçu
    • E.Gourgoulhon → feedback reçu
    • J.Novak → feedback reçu
    • A.Le Tiec → feedback reçu
    • E.Chassande-Mottin → feedback reçu
  • Danièle a envoyé un mail à tous les membres du GDR OG le 3/2/23 en leur invitant de regarder le wiki et faire des commentaires sur la partie OG, en envoyant un mail à l'adresse dédiée: prospectives.OG.INP@gmail.com
  • Julien a contacté:
  • J. Lavalle (1.02) → feedback reçu et inclus
  • P. Serpico (1.02) → feedback reçu et inclus
  • J. Martin (1.02) → feedback reçu et inclus
  • V. Vennin (1.02) → feedback reçu et inclus
  • F. Vernizzi (1.02) → feedback reçu et inclus
  • V. Poulin (1.02) → feedback reçu et inclus
  • M. Cirelli (1.02) → feedback reçu et inclus
  • M. Lemoine (5.02) → feedback reçu et inclus
  • S. Renaud-Petel (5.02) → satisfait avec texte
  • C. Pitrou (5.02) → feedback reçu et inclus
invitations_contributionsdemandes.txt · Last modified: 2023/07/11 18:43 by daniele.steer

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